VOLET ÉCRITURE

Janvier 2018

Création d'Annabelle Lamont

Élève de première secondaire (102)

L'origine des montagnes

     Il fut un temps où d’innombrables créatures fantastiques peuplaient la terre. Dragons, gnomes et lutins vivaient une vie paisible, loin du danger. Dans une forêt aux arbres feuillus, un peuple de géants particuliers se cachait du reste des êtres magiques. Bien que la plupart des géants soient forts et robustes, ceux-ci étaient timides et réservés. En effet, le moindre bruit inhabituel les faisait sursauter et même la présence d’une fée pouvait les faire trembler. C’est donc pour cela que ce peuple de géants appelé Jenesaispoint ne voulait guère que l’on apprenne son existence. Ils préféraient rester en groupe et vivre la même routine  jour après jour.

 

           Mais tous les géants ne partageaient pas le même avis. En effet, un jeune individu au corps anormalement massif pour un être de son peuple appelé Jenesaisguère, voulait explorer le monde. Terrifiés par cette folle idée, les géants prenaient leurs distances de cet aventurier téméraire. Or, malgré tous leurs efforts, les Jenesaispoint ne l’empêchèrent pas de rêver à de fabuleux exploits et de partir tous les matins dans la forêt pour revenir le soir, le sourire aux lèvres. La peur du peuple face à ce gargantuesque garçon dans la fleur de l’âge ne cessait de croître jour après jour. Quant à Jenesaisguère, il ne se laissait décourager pour rien au monde. Puis, lors d’un après-midi gris et glacial, la décision fatale que les géants redoutaient avec effroi arriva. Alors qu’une faible neige  tombait tranquillement sur la place principale du village, une créature emmitouflée comme un bonhomme de neige s’avanca d’un pas décidé sur le podium délabré. Les géants s’étaient rassemblés autour de lui d’un air craintif, se demandant qui pouvait bien se cacher derrière cette énorme tuque. C’est alors que, d’un geste vif de la main, l’être mystérieux enleva son chapeau, dévoilant ainsi un visage : celui de Jenesaisguère. Celui-ci s’adressa d’une voix grave et remplie de courage à la cantonade : « Je suis ici aujourd’hui pour vous annoncer que je pars loin, très loin, à la découverte de nouvelles terres et de nouveaux habitants. Nous, les géants, ne devrions pas rester cachés de cette manière, tremblants de peur, dans une forêt banale : nous devons faire connaître notre peuple au reste du monde ! Et c’est pour cette raison que je décide de m’éloigner de ma famille pendant quelques temps. Je ne reviendrai que lorsque je me serai aventuré dans les plus lointaines contrées. Adieu, peuple Jenesaispoint ! » Terminant ainsi ce discours, les larmes aux yeux, l’aventurier attendait des applaudissements. Sauf que les géants regardaient le sol, l’air gêné. Même pas l’ombre d’un sourire d’encouragement ne se dessinait sur leurs visages rosis par le froid. Jenesaisguère se contenta donc de rouler les yeux, de mettre son sac sur ses épaules robustes et de marcher avec un regard déterminé vers la sortie des bois. Un seul but l’habitait : trouver des êtres vivants qui voudraient l’aider à rendre son peuple courageux.

 

 Il marcha ainsi pendant treize jours et treize nuits, ne s’arrêtant que quelques minutes pour boire et manger. Cependant, lors de la quatorzième journée, alors qu’il faisait le compte de ses réserves, le géant s’aperçut qu’il ne lui restait plus que quelques champignons durcis par le froid hivernal. Il devait trouver un village, et rapidement. Il se remit en marche, s’efforçant de penser à autre chose qu’à son ventre qui criait famine. Après cinq heures de marche, Jenesaisguère n’en pouvait plus. Il se laissa tomber dans la neige glacée et s’endormit en une fraction de seconde. Lorsqu’il se réveilla, la nuit dérobait à son regard l’horizon. Grelottant de froid, son énorme corps recouvert de glace et de givre, le jeune explorateur reprit sa marche en essayant en vain de se réchauffer. Les ténèbres étaient si denses que l’imagination du géant commença à divaguer. Il crut entendre des murmures, mais il pensa que ce n’était que le vent. Il aurait dû être plus prévoyant, mais il ne croyait pas que ce serait si difficile, l’aventure. Dans l’obscurité, Jenesaisguère avait beaucoup de mal à s’orienter. Pour la première fois de sa vie, il doutait. Et s’il n’existait pas de villages proches d’ici ? Le géant entendit alors un cri de détresse, l’arrachant de ses sombres pensées.

 

 

           Pris alors d’un élan d’héroïsme, l’aventurier pénétra dans une partie plus sombre du bois, se laissant guider par la voix paniquée. En écartant une branche d’arbre feuillue d’un geste de la main, il vit alors une jolie petite fée vêtue d’une robe rose bonbon, se débattant dans la neige. Un vile petit lutin à l’air taquin était en train de la chatouiller sans pitié. Voyant cette scène, Jenesaisguère sortit de sa cachette et attrapa le lutin par le col de son chandail, le soulevant du sol : «Comment t’appelles-tu ? » intima le géant. «Toi-même ! » répondit l’intéressé, en faisant une grimace. L’aventurier se sentit légèrement offusqué et décida donc d’accrocher le malfaiteur à une branche d’arbre. Le lutin se débattait tout en bredouillant des paroles incompréhensibles, mais il ne pouvait se délivrer. «Ça t’apprendras à faire le malin», répondit simplement le géant avant de porter son attention sur la fée. Celle-ci ne semblait pas trop mal en point, elle replaçait sa tenue. Lorsqu’elle s’aperçut que le géant l’observait, elle se présenta : « Je m’appelle Fée-Noménale et je viens du peuple Fée-Nix. Merci beaucoup de m’avoir aidée. Les lutins aiment bien nous agacer. Celui-ci est particulièrement turbulent, d’ailleurs. » L’ayant entendue, le petit chatouilleur fit une grimace perfide. L’ignorant, le jeune explorateur se présenta à son tour : «Ce n’est rien, je n’aime pas les joueurs de tours… Je m’appelle Jenesaisguère et je viens du peuple Jenesaispoint. Je suis parti en expédition, il y a quelques jours, pour découvrir de nouveaux peuples de créatures fantastiques.» Après avoir demandé son chemin, le géant quitta la fée à contrecœur.

 

 

Le soleil commençait à se lever lorsque Jenesaisguère posa enfin le pied dans un village qui empestait la vieille chaussette. En se promenant entre les vieilles maisons délabrées, le jeune aventurier crut d'abord qu'il était abandonné. Tout était silencieux : seul le vent soufflait, que Jenesaisguère avait d’ailleurs confondu avec quelques chuchotements. Sauf qu'en entendant des cris de guerre provenant de la forêt, le géant sut que les habitations appartenaient à des trolls qui revenaient de la chasse. Il eut d'abord un mouvement de recul, car ces êtres sont d’habitude hideux et crasseux, mais ceux-ci étaient plutôt étranges: les hommes portaient de larges vestons noirs avec des cravates étincelantes. Les femmes, quant à elles, étaient vêtues de longues robes aux couleurs flamboyantes et arboraient un maquillage hors du commun. Jenesaisguère était tellement étonné qu'il resta paralysé un moment avant de serrer la main de celui qui semblait être le chef. Il apprit alors que ce peuple s'appelait Trollifique et que ces créatures étaient passionnées par leur apparence. Après s'être présenté, le jeune explorateur flâna un peu dans le village. À sa grande surprise, il était plutôt malpropre: des pelures de bananes jonchaient le sol poussiéreux et une multitude de rats séjournaient dans les anfractuosités des bâtiments. Une odeur répugnante de fromage bleu mélangé aux fonds de poubelle emplissait les narines de l'aventurier, puis un seul coup de pied aurait suffi à faire tomber tous les bâtiments au bois séché. Pour des gens aussi soignés et polis, il semblait étonnant que leurs habitations soient aussi polluées. Quand Jenesaisguère questionna les trolls à ce sujet, ils détournèrent les yeux avant de baisser la tête. Seule une femme vêtue d'une robe bleue bouffante l'entraîna dans un coin sombre pour répondre à sa question: « Voyez-vous, cher ami, nous ne faisons jamais le ménage, car nous avons peur de salir nos beaux vêtements. Seulement, lorsqu'un individu tel que vous constate ce désastre qu'est notre village, nous avons honte. » Attristé par cette nouvelle, l'aventurier répondit d'un ton décidé: « Je vais vous aider à remettre de l'ordre dans votre bourgade et ce, sans vous salir ! » Et c'est avec un pas résolu qu'il se dirigea vers la place principale du village sous les regards des trolls mi- curieux, mi- dubitatifs. Jenesaisguère expliqua son plan ingénieux d'une voix tonitruante et sortit de son sac une multitude de tissus colorés: des tabliers ! Il ordonna aux Trollifique de les nouer autour de leur taille puis fabriqua des balais avec des bouts de bois et de la paille. Il assigna ensuite des tâches aux habitants. C'est ainsi que, après quelques heures, le village brillait comme un sou neuf. Puis, sous les applaudissements des trolls reconnaissants, le géant reprit sa route d'explorateur.

 

        Marchant d'un pas joyeux, Jenesaisguère était content d'avoir aidé ainsi une fée et des trolls. Peut-être deviendrait-il un héros sensationnel s'il continuait de rendre service de cette manière ? C'est avec ces heureuses pensées que l'aventurier engloutit ses derniers champignons en fredonnant. Puis, distrait, il trébucha par mégarde sur une racine d'arbre et plongea la tête première dans un sombre trou. Il poussa alors un cri de surprise au moment où son corps tombait dans les ténèbres.

 

Se relevant péniblement après cette chute atroce, l'explorateur observa autour de lui d'un air inquiet. Voyant que seul un tunnel sombre se dressait devant son corps tremblant de peur, il s'avança à l'intérieur prudemment. Mis à part le bruit de ses bottes qui résonnait au loin, tout était silencieux. Après trente minutes de marche, pourtant, le géant aurait juré avoir entendu quelques furtifs murmures. Après s'être raisonné que tout cela n'était que le produit de son imagination, il reprit sa route, mais le bruit infernal semblait le suivre à la trace. Soulagé de découvrir enfin un fil de lumière au loin, Jenesaisguère courut vers celle-ci. Mais la terreur s’empara de lui lorsqu'il découvrit que cette lueur n'était pas causée par la fin du tunnel, mais bien par une gigantesque créature cruellement monstrueuse. En effet, un énorme ver d'une couleur blanchâtre se dressait devant l'explorateur abasourdi. Ses petits yeux d'un rouge flamboyant lançaient un regard perçant et une mince ligne dessinait sa bouche qui renfermait une multitude de dents acérées comme des couteaux. C'était une larve. Ce personnage immonde vivait dans les sous-sols ténébreux de la terre et détestait la lumière. La créature avança son énorme corps volumineux avec un bruit de succion vers le géant paralysé par la peur. Rendue à quelques pas de lui, la larve ouvrit sa bouche et, alors que l'aventurier croyait qu'il allait finir ses jours dans le ventre d'un ver, elle se mit à parler en faisant quelques grognements insolites: « Jeune explorateur du peuple Jenesaispoint, je vous félicite pour vos exploits extraordinaires… » Sauf que Jenesaisguère lui coupa la parole subitement: « Comment vous appelez-vous et de quels exploits parlez-vous ? Où suis-je tombé ? » « Une question à la fois cher ami, répondit la larve d'un ton posé. Je m'appelle Xhikul et voici mes amis. » C'est alors que le géant remarqua que plusieurs centaines de vers étaient suspendus au plafond. C'était donc ces êtres, la cause de ces murmures terrifiants qui le suivait partout ! « Je vous parlais, continua Xhikul, de ces prouesses impressionnantes dont vous avez fait preuve avec la fée et les trolls. C'était vraiment de bons gestes de votre part. N'avez-vous donc jamais songé à devenir un puissant souverain dirigeant le monde des créatures tout entier ? » « Un roi ? » répéta Jenesaisguère, curieux. « Pensez-y une seconde, poursuivit le ver perfidement. Votre peuple ne sera plus jamais dans l'ombre et vous deviendrez le chef suprême du royaume. » «Et je m'appellerai Jenesaisguère Ier » ,compléta l'aventurier, envoûté. » «C'est ça, c'est ça… » Xhikul avait un sourire diabolique aux lèvres.

 

      Manipulé par les larves, l'avide explorateur commença sa quête du pouvoir absolu. Ne reculant devant rien, Jenesaisguère n'hésita pas à détruire les villages pour essayer d'obtenir la couronne par la peur des habitants. Alors qu'il était sur le point de réussir et de devenir un monstre obnubilé par son riche royaume, une sorcière alla le voir et lui lança un terrible avertissement: « Si tu continues à te comporter de cette manière égoïste et cruelle, je transformerai ton pauvre corps de géant ainsi que tous ceux des habitants de ton peuple en pierre. » Sauf que l'intéressé la chassa du revers de la main, car il était en train de planifier la cérémonie de son couronnement avec Xhikul. Après cette scène scandaleuse, la sorcière fut bien obligée de mettre son plan en action. Elle sortit d'un geste théâtral sa baguette magique, puis se mit à réciter des paroles saugrenues. Soudainement, une lueur verdâtre sortit du bout de bois et le géant, avec un regard empli de tristesse face au sort qu'attendait son peuple innocent, fut changé en pierre. Après avoir prononcé cet enchantement, la femme magique s'en alla retrouver les Jenesaispoint avec un air désolé. Lorsqu'elle arriva dans le village, les géants, qui avaient appris la nouvelle par l’intermédiaire d’un gnome qui passait par là, étaient tous agenouillés au sol, en signe de pardon. Puis, la sorcière, une larme à l'œil, les transforma tous en pierre. C’est ainsi que se sont formées les montagnes.

 

FIN

Novembre 2017

Création d'Annabelle Lamont

Élève de première secondaire (102)

Pourquoi les feuilles changent-elles

de couleur à l’automne ?

       Il y a très longtemps, les feuilles des arbres restaient vertes en permanence. Dans un petit village situé dans une grande forêt feuillue et impénétrable, le roi se lamentait sans cesse lorsque venait le temps de l’automne : la chaleur réconfortante de l’été se dissipait lentement pour laisser place au froid glacial de l’hiver, les oiseaux et animaux commençaient à déserter les lieux et les arbres devenaient chauves. Bref, selon le roi, tout cela manquait de vie.

 

       Un jour, lors d’une matinée particulièrement ensoleillée d’octobre, sa Majesté contemplait les paysages de son royaume en soupirant de tristesse. En regardant l’unique érable de la forêt avec ses feuilles d’un vert scintillant, son esprit s’éveilla soudain à une idée lumineuse. Assis sur son trône en or, le roi convoqua le meilleur peintre du village : Arcan Siel. « Arcan, je me désole chaque matin en voyant notre belle forêt perdre sa beauté sauvage un peu plus à chaque jour. Toi, qui es si bon avec tes pinceaux, serais-tu capable de peindre chaque feuille de chaque arbre de couleurs flamboyantes ? » Arcan manqua de tomber à la renverse avant de balbutier faiblement : « Votre majesté… avec tout le respect que je vous dois, peindre chaque feuille… de chaque arbre… cela est impossible ! ». Le roi était rouge de colère : « Tu refuses d’obéir à mes ordres ? ». Arcan, pris de panique, répondit rapidement : « Bien sûr que non, votre Majesté ! Je vais le faire, c’est seulement… ». « Eh bien, dit le roi de sa forte voix tonitruante, l’interrompant, tu auras sept jours pour accomplir cette mission. Tâche de réussir, sinon tu subiras ma colère sans pitié ! » Et c’est comme cela que le pauvre peintre devrait teindre toutes les feuilles de la forêt en à peine une semaine.

 

       Lors du premier jour, Arcan Siel, armé de ses pinceaux et de ses plus élégantes couleurs, monta sur un premier arbre et commença son travail. Après avoir peint quelques feuilles, le pauvre homme remarqua que la peinture ne tenait guère en place : elle glissait, tombait, pour finalement atterrir, avec un gros bruit sonore, sur le sol. Il poussa un juron, et, à sa grande surprise, l’arbre lui répondit : « Si tu veux réellement savoir pourquoi nous ne voulons point de peinture sur nos belles feuilles vertes, va voir le grand Érable. C’est lui qui nous donne les ordres. ».

       Acquiesçant, l’homme rangea son matériel et courut jusqu’au centre de la forêt, là où se trouvait cet érable qui se croyait tout permis. Il avait assez perdu de temps comme cela ! Enfin arrivé devant l’arbre massif, hors d’haleine, le peintre dit d’une voix qui lui semblait autoritaire : « Cesse immédiatement ces ordres ridicules ! Le roi m’a donné une mission et ce n’est pas toi qui m’empêcheras de réussir ! ». Reprenant son souffle, Arcan attendit la réponse en se croisant les doigts. Quelques secondes passèrent, puis, soudain, une voix calme mais sévère répondit : « Je n’autorise personne à toucher à mes arbres pour changer leur apparence. Si tu essaies encore une fois de peindre leurs feuilles, ma colère sera terrible. » « Tu ne me fais pas peur ! » rétorqua le peintre avant de s’en aller à grands pas dans son atelier : il avait une idée derrière la tête.

 

       Après avoir passé quelques heures à construire son objet miracle, il ressortit avec des petites boules rondes qui semblaient contenir un mystérieux liquide coloré. En fait, il s’agissait de bombes de peinture. Arcan avait prévu de les déposer dans le creux des arbres. Avec un système mécanique étonnant, il pourrait alors toutes les faire exploser en même temps. Aucune chance que les arbres ne rejettent la peinture : ils seraient bien trop surpris. C’est donc avec une confiance sans pareille que le peintre préparait son plan stratégique. Quand tout fut enfin près, il voulut prendre la manette pour activer les bombes, mais elle était introuvable. Le pauvre homme se rappela alors qu’il l’avait laissée près du grand Érable. Quelle imprudence ! Il fut alors parcouru d’un étrange pressentiment. Arrivé sur les lieux, il remarqua que l’objet qu’il convoitait tant n’y était plus!

 

 

       Il entendit alors un grondement, puis une voix : « C’est cela que tu cherches, l’ami ? » C’était l’Érable, qui détenait la manette en équilibre sur l’une de ses multiples branches. Avant qu’Arcan ne puisse faire quoi que ce soit, l’arbre pressa le bouton avec une de ses feuilles. Un gigantesque bruit de tonnerre parcourut la forêt entière. Le peintre ne put s’empêcher de sourire avant de dire : « Ce bouton servait à actionner les bombes de peinture que j’avais disposé dans les arbres. » L’Érable répliqua d’un ton perfide : « Je le sais bien. N’as-tu pas donc remarqué que mes compagnons n’ont point changé ? ». En effet, l’érable, étant magique, avait réussi à déplacer toutes les bombes dans la maison du peintre. En apprenant ceci, l’homme courut à la hâte jusqu’à chez lui. L’érable n’avait pas menti : la maison du pauvre Arcan Siel avait été aspergée de toutes les couleurs imaginables. Bien que le résultat soit fort joli, le peintre ne put s’empêcher d’éprouver de la haine envers l’Érable qui l’empêchait d’accomplir son travail. Il fut d’autant plus fâché lorsqu’il constata qu’il devrait dormir dehors à cause de la peinture encore humide.

 

     Lors de la nuit, une pluie torrentielle tomba, accompagnée de quelques éclairs. Vers minuit, un de ces éclairs flamboyants chuta sans crier gare sur un arbre qui reposait tout près du jeune peintre. Celui-ci fut réveillé en sursaut par les cris du pauvre, qui était à présent en feu. Gardant son sang-froid, Arcan se précipita vers le ruisseau le plus proche, pris un récipient de peinture vide, le remplit d’eau et le déversa sur l’arbre en panique. Après avoir répété ce manège trois autres fois, il réussit à éteindre le feu. Le passage de l’éclair avait transformé le vert monotone des feuilles de l’arbre en jaune étincelant.

 

 

       Le lendemain, l’Érable apprit l’exploit du jeune homme et demanda à le voir. « Pour te remercier d’avoir sauvé un de mes compagnons, je vais donner l’ordre à mes arbres de te laisser faire ton travail», dit-il, avec une pointe d’admiration, à Arcan. Celui-ci répondit aussitôt : « Ce n’est rien : je n’ai qu’éteint un petit feu… Malheureusement, il est trop tard pour commencer mon travail : j’ai perdu une journée entière… ». L’Érable se sentit alors coupable et proposa au peintre de l’aider : « Avec mes pouvoirs, le travail sera terminé en quelques secondes. Dis-moi seulement en quelle couleur tu aimerais bien voir les arbres ». Après avoir réfléchi quelques instants, Arcan eut une idée : « En jaune, comme les feuilles de l’arbre que j’ai sauvé. L’orangé et le rouge sont aussi de belles couleurs… Bref, les couleurs du feu ! » C’est ainsi qu’avec l’aide du grand Érable, les feuilles de nos chers amis sont devenues colorées. Arcan Siel réussit avec fierté sa mission, puis la saison préférée du roi devint l’automne. Et c’est comme cela que, en hommage à Arcan Siel, les feuilles des arbres changent de couleur à chaque automne.


Mars 2017

Les Devoirs